Amphior – Disappearing

Glacial Movements

https://glacialmovements.bandcamp.com/album/disappearing

 

De quoi rêve la glace ? De quoi se souvient la glace ? La réponse se trouve peut-être dans ce deuxième album que publie Mathias Hammerstrøm alias Amphior sur le label Glacial Movements.

Plantons un décor simple, une banquise de circonstance – comme en suggère d’office la signature sur Glacial Movements – et un voyageur, égaré peut-être. Comme dans une cristalline Atlantide, il rêve qu’il est recueilli et, comme tout rêveur, il construit son rêve des matières hétéroclites que sont sa vie, ses pensées, et son expérience sensorielle. Couché peut-être, tendrement accueilli par une nappe de neige qui n’a pas encore durci, voici ce qu’il entend. Le piano déverse ses notes en simples mélodies, lentes et fantomatiques, mais non dénuées de joie. Les falaises de glace alentour lui donnent la résonance nécessaire à ce qui rappelle l’hybridation modern classical et electronica. Plus loin dans le panorama des bandes jouent, parfois alenties par l’âge que le musicien, le rêveur, veut leur confirmer, des bribes d’autres fredons, que le gel rend plus émouvantes encore. Cette simplicité n’est pas que de façade, elle est le résultat d’un travail, d’une reductio ad unum de la forme d’une nostalgie. Le souffle qui commence de traverser la banquise s’apparente à l’érosion des bandes dans le rêve ; la mémoire harasse et arase le passé comme Borée la glace. Par une ouverture insoupçonnée, avec une sorte d’incongruité, le piano aidé des bandes finit par évoquer un antique cabaret dans quoi survient un motif flûté qui précise les contours, d’une chambre d’enfant peut-être, pièce surexposée par endroits.

Il est un moment où semble se concentrer tout l’esprit de cet album, son plus beau fredonnement primal, au cœur de la pièce éponyme, paradoxalement nommée Disappearing alors que vaillamment la musique s’y affirme avec le plus de brillance contre l’oubli. Ainsi est le rêve qui ressurgit sans motif, ainsi est le cœur chaud du rêveur qui, à l’abri des inquiétudes, bat encore, régulier dans son lit de glace.

On dit que dans les déserts brûlants le voyageur éreinté peut succomber aux mirages, il semblerait que les étendues glacées en soient aussi délicatement fécondes.

Denis Boyer