Erik Levander – Jökel

Glacial Movements

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Le glacier (Jökel) d’Erik Levander se trouve en Islande. Et sur ce disque, comme sur chaque album publié et commandé par le label Glacial Movements, le chant des glaces est convoqué. Mais avec les années, et les constats alarmants qui se multiplient, à l’esthétique polaire s’ajoute la conscience du danger couru par toutes les glaces, continentales ou littorales. Hommage à la beauté et à la fragilité d’une masse que l’on considérait comme l’image même de l’entropie et, partant, de l’inaltérable.

C’est donc en Islande que le musicien suédois Erik Levander est parti rencontrer un glacier, le Mýrdalsjökull, capuchonnant un volcan éteint. En soi, le phénomène -comme toute l’île d’ailleurs – porte symboliquement l’opposition de la chaleur et du froid. C’est face à cette tension que la musique s’est imposée. Avec des « field recordings imaginaires », tels que les décrit la communication du label, Levander entend donner la sensation d’une immersion dans le glacier. Peu importe leur origine, il aurait pu tout aussi bien nous berner, la logique texturale est adéquate. Plusieurs palpitations, chutes, mouvements lents, grondements, tous assourdis par une paroi lourde et proche, mais aussi par ce qu’on sent bien être une masse liquide en contrebas, constituent l’essentiel du matériau avec quoi le musicien compose. C’est dans un cadre presque géométrique, se rappelant leur nature cristalline, que les sons résonnent entre eux, jusqu’à bien vite lever le drone, sans lequel cette musique serait incomplète, tant en terme esthétique que dramatique. Un courant où le souffle du vent de surface et la lente coulée de la glace au point de fusion se reflètent et se confondent, un fredonnement gelé que l’esthétique musicale arctique sait frotter, faire vibrer. Et celui-ci, dans les troisième et quatrième morceaux, Avstånd et Yta, s’impose immédiatement, drone calme, solide mais triste, occultant un moment les phénomènes physiques qui le portaient jusqu’alors. Mais c’est pour en provoquer d’autres, sa vibration opérant comme une série de craquements titanesques, évoquant les véritables colères de la glace soumise aux changements thermiques, comme a su les rapporter Marc Namblard dans Chants Of Frozen Lakes. Et l’on n’est pas loin, quand l’équilibre est trouvé dans l’ultime morceau, Massa, de retrouver les canons posés par Lull et Thomas Köner.

Dédiée aux glaciers encore existants, cette musique de sous la surface, travaillée par ce bleu insoutenable que la pochette rend très justement, exprime toute la tension des modifications trop rapides qui, de la surge à l’explosion, aussi gracieuses qu’elles s’imposent, n’en rendent pas moins profondément mélancolique.

 Denis Boyer