Empusae – Symbiosis

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On le sait, Empusae (alias Sal-Ocin / Nicolas Van Meirhaeghe) vit « en symbiose » avec de nombreux autres musiciens. Gwenn Trémorin (Flint Glass) bien sûr, pour leur duo Tzolk’In, mais aussi In Slaughter Natives et Ah Cama-Sotz qu’il accompagne en live. Empusae, que l’on aurait tort de ranger sans débord dans le tiroir de l’électro solitaire, est un projet étrange, à la musique aussi sournoise que l’insecte prédateur dont il a pris le nom. Car Empusae est un pont, reliant plusieurs contrées du sombre musical. Et Symbiosis est une fenêtre offerte sur les visites rendues. Quatre morceaux sur les six qui composent l’album sont des constructions chantées, et pensées ainsi. En ouverture, une véritable aube, avec comme invités les deux membres d’Ordo Rosarius Equilibrio. Le chant de Tomas Pettersson, secondé par Rose-Marie Larsen, est très reconnaissable, depuis qu’il s’est éloigné de celui de Douglas Pearce. La musique du duo suédois, habile venin croisant les essences folk et cold wave, trouve ici une autre forme de synthèse électronique que celle qui habille ses cordes habituelles. Sal-Ocin a composé ce morceau, One and the Same, pour accueillir leurs voix, manifestement, mais il n’a rien négligé de son identité, qu’il s’agisse de ses faux pianos ou de l’héritage électro. Écrin du chant, de la ritournelle entêtante, la musique l’est autant. Aussi mimétique en compagnie d’Arcana sur la deuxième pièce, il conserve avec eux aussi sa signature, même s’il se voit contraint d’épouser leurs faciles épopées post-médiévales. Joli mais bien moins envoûtant que le morceau précédent. Autre musicien suédois, In Slaughter Natives donne un morceau dont le noir égale celui de ses disques, plus poussiéreux peut-être, exercice de Symbiosis ou Empusae s’éloigne peut-être le plus de ses territoires coutumiers, dans les parages des compositions les plus sombres de Dive. Voix susurrée ensuite de la graphiste Christel Morvan, dans une accalmie, une humidité dont on n’arrive à décider si elle s’accorderait mieux à une ville éreintée ou une forêt tropicale. C’est peut-être le cinquième morceau qui démontre l’évidence d’une unité de l’album, au-delà de la composition d’un seul artiste. Car la chanson en question, Seven Types of Ambiguity, chantée par Nick Grey (collaborateur de J.-M. Mathoul / 48 Cameras), simple de conception, tourne autour d’une mélodie pure et essentielle, touchant autant à la mélancolie des landes qu’au dandysme de la forme. Le dédicataire du disque, le dessinateur de BD décédé en 2011 Daniel Hulet, avec qui Empusae / Sal-Ocin avait travaillé pour un CD accompagnant l’intégrale de la trilogie Extra-Muros, et que beaucoup d’entre nous découvrirent il y a bien des années maintenant avec L’État morbide, se serait certainement retrouvé dans ce disque, et particulièrement avec le morceau de clôture Kralizec, belle révolution cosmique allongée, relevée de moteurs salis, illustration d’un psychédélisme au goût de rouille.

Denis Boyer

2012-09-23