The Het – You Not Me

Monochrome Vision
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Etrange projet que The Het, autour du musicien russe Valera. Sa musique, souvent proche de ce que l’on nomme par défaut « classicisme moderne », supporterait tout aussi bien l’épithète dark ambient. Il est rare que les épiphanies lumineuses du drone orangé portent la marque si nette de la contamination du sombre, de l’extrêmement sombre. Pour assurer cette charge dirait-on, l’électro industrielle du premier morceau qui, de manière curieuse, se trouve parfaitement appariée à un chant (celui d’Angels Vox Pride) comme en hommage au Sweethome under White Clouds des Virgin Prunes. À bien écouter les drones et les brillances périphériques des pilons, les boucles anamorphosées d’une lumière qui se nourrit tant des effilochages de voix que des traînées de corde, on se prépare au voyage onirique du reste de l’album. Toujours aux portes de la figuration, ce rêve connaît donc ses passages obscurs, comme ses couchants impeuplés. Vagues lourdes ou évanescentes, notes de pianos, attaques de cordes dramatiques, vibrations synthétiques en affolement, et retour des voix, fantômes, autant de ces événements qui vont créer le tissu de rêve qui s’était annoncé. Les insertions concrètes servent, dans la même mesure que les rappels à l’ambient sombre ou à l’hiératisme russe du début du XXe siècle, la forme musicale, dans ses accalmies comme dans ses inquiétudes, sans choc entre ces écoles musicales, véritables outils de peintre qui les rappelle à la palette dont ils forment des nuances bien voisines. Ainsi, l’électronique comme l’acoustique, l’électroacoustique comme l’électrique, lissent leurs plumes ou gré des mêmes flux, comme ces crépitements, ces cors, ces souffles, ces amples nappes qui se redensifient à la manière d’un organe timide, sur le morceau All Remains Below, pièces d’un même relief, qui demande le parcours incessant de ses ciels et de ses rives. La dernière pièce, Powerlessness, longue de 25 minutes, se compose de tout cela, en une longue distribution stratifiée, patiente reconstruction synthétique et mélancolique d’une musique cosmique. Boucle et oscillation, noir et pointes de lumière, écho sans fond, ample contractions et pulsations d’étoile effondrée. On songe alors aux meilleurs albums de Squaremeter.

Denis Boyer

2012-08-09