Empusae & Shinkiro – organic.aural.ornaments. / Tzolk’in – Tonatiuh


Ant-Zen
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Il le rappelle, Nicolas Van Meirhaeghe alias Empusae aime mutualiser le processus de création musicale, en compagnie de Flint Glass par exemple (sous le pseudonyme de Tzolk’in, dont nous visiterons plus bas le troisième album), de This Morn’Omina, ou encore en live avec in Slaughter Natives. L’esprit est le même pour le Japonais Shinkiro alias Kodotama, collaborateur de Contagious Orgasm et Hybryds. A deux, habitués au geste commun, ils ont dessiné une musique d’approche, dont les premières respirations sont prises dans le gris, des volutes épais en lente lévitation. Les résonances de cristal les plus graves sont au départ les seules lumières, appelant le feston du roulement, simplement aperçu. Une musique d’apparence linéaire qui suit rapidement la trajectoire circulaire, teintant le gris de brumes d’harmoniques. Mais c’est avec le troisième morceau que l’expressionnisme se révèle ; quand les premiers signes de vie semblaient empruntés à la palette de Lustmord, les images deviennent ici rangées en rythmes, séquences, mélodies minimales, nappes, un jeu complet de la musique électronique ambiante. La matière a comme germé dans les minutes qui ont précédé cette naissance, ou plutôt cette éclosion, à tel point que l’apparition, telle celle du jour après la nuit, ressemble à la précision que prennent les formes dans les premières minutes d’éveil. Le champ est ondulant, les boucles synthétiques jouant le tremblement, la mélancolie et le souffle portés par les vents. Dès ce moment, le disque garde sa place dans un contre-jour, manipule les codes électro autant que l’ambient sombre, à l’image de bien des formations qui ont fait la réputation du label Ant-Zen. À la différence que, outre l’inspiration dans le dessin de la proto-mélodie, le choix des sons (de la rutilance cosmique à la terre ocre en passant par le métal blessé et le sinus du fifre) balaie le même empan que le regard sur le panorama. Rappelons qu’à cette maîtrise s’ajoute l’art de la formation, de la gestation, de la naissance à la lumière. C’est en fait d’un projet similaire que naît la musique de Tzolk’in, je veux dire une musique de mi-parcours. Débutant à la manière de Maeror Tri, le CD peut faire entendre jusqu’aux tournures de Black Lung, sans artifice, et l’on s’engouffre dans la veine comme l’on accepte le fantasme de la réactualisation d’une mythologie aztèque (à laquelle le duo emprunte tant son nom que son imagerie) par la musique électro. Faussement abstraite ou totalement hypnotique dans ses déploiements de rythmes, la musique de Tonatiuh peut aussi se faire très figurative, appelant les images de jungle, de pénombre tremblée dans le feuillage luxuriant, de l’approche dans une inquiétante humidité. Ces suggestions, poussées sans heurt jusqu’à l’expression, paraissent éclore de la nappe ou de la boucle, à la manière de la végétation tropicale, et c’est bien l’art de ce duo, le bourgeonnement de l’inquiétude, de l’image aperçue. Il fallait assurément maîtriser la texture pour pouvoir si habilement lui donner forme.

Denis Boyer

2011-08-14