Menche Daniel – Blood of the land

Ferns Recordings
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J’ai eu l’occasion de marquer longuement (Fear Drop 15) la connivence qui existe entre les sons de l’eau et ceux du vent. Ils disent les uns comme les autres l’ontologie musicale ; ensuite ils semblent s’appeler réciproquement, se répondant dans les dynamiques météorologiques, les premiers souvent portés par les seconds. Et en écho de tout cela, ils forment une esquisse du paysage, dans une connivence poétique que les phénomènes naturels leur ont préparée. Ce nouveau disque de Daniel Menche s’insère dans tout cela, composé de sons de vent enregistrés par le musicien américain autour de sa maison à l’occasion de nombreux orages, la plupart accompagnés de précipitations de natures diverses. La pluie, la neige, la grêle, modifient sensiblement le son du vent qui les charrie. Ils sont, au même titre que les sels minéraux dissous dans l’eau, responsables de l’esquisse de sa saveur. Blood of the land débute comme le ferait une capture raisonnée d’un torrent par hydrophone. La compression spatiale, le déroulement littéralement fluide de la substance charriée, ne peut que désigner une fois encore cette connivence des deux éléments. Immanquablement, cette eau se détache après quelques minutes, et l’on entend la résonance de sa chute et de son tourbillon. Cette distance trace la première mise en relief ; le paysage s’élargit et, à la suite des souffles saturés de précipitations, d’autres airs viennent habiter les extrémités du champ visuel. Peu à peu ils colonisent la totalité de l’angle, se superposant à la pluie furieuse. De torrent, celle-ci devient ressac, elle rappelle ainsi deux de ses origines, avant que l’évaporation et la condensation ne décident de son nouveau transport. Le vent, véhicule réservé à cet effet, est ainsi pour Daniel Menche un pourvoyeur d’envergure, il vient à lui gros d’intempéries. D’ordinaire Daniel Menche, ce sculpteur d’extrémités auditives, assimile et rend dans des proportions titaniques ce que toute matière, même modeste, lui a donné à sollicitation. Le vent lui porte une trame déjà tendue à l’échelle voulue. On imagine sa jubilation d’un tel commerce, son tableau de la tempête l’atteste.

Denis Boyer

2010-12-20