Rapoon – Dark rivers

Lens Records
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Il est des disques de Rapoon comme de ceux de Troum ou de Nadja, pour citer des contemporains au moins aussi prolifiques : ce sont des marches, des arpentages, dans un monde que certaines structures dénoncent toujours et encore, quel que soit le chemin rythmique ou textural choisi pour l’arpenter. Dans Dark rivers, Robin Storey / Rapoon débute littéralement en eaux troubles, ondulant dans des voix et des étirements effilochés qui s’accordent rapidement à un rythme que l’on n’a pas vu naître, comme quand l’eau roule sur des galets affleurant toujours un peu plus dans le courant. Ce courant réverbère ses propres sons, et capte ceux de la surface, du ciel même, des ondulations lumineuses, des fantômes droniques. Le disque se veut le reflet d’une région du Nord de l’Angleterre, où l’histoire récente a vu le stockage des missiles balistiques intercontinentaux (ICBM), où une histoire plus ancienne a placé la limite de l’empire romain, concrétisée par l’équivalent du limes continental : le mur d’Hadrien construit pour protéger l’Empire des attaques des Pictes. Robin Storey a grandi dans cette région, encore emplie de mystère nous dit-il, portant jusque dans ses noms de lieux la marque de l’obscurité. Alors, le courant plonge parfois, jusqu’à atteindre des fonds où la lumière ne pénètre guère : réverbération de percussions comme anamorphoses, balayages d’échos cuivrés, ondulation sinusoïdale du rayon d’harmoniques chargé de la lumière de surface, et qui ainsi plongé au froid gagne en dureté, porteur dans sa gangue de l’image intacte des voix archangéliques. On l’entend, plus rythmique qu’à l’habitude, plus dur, cet album de Rapoon s’accorde un élargissement du plan de son monde, car c’est le privilège du créateur de pouvoir toujours agrandir la contrée, de s’aménager des terrae incognitae, mais jamais ces provinces rêvées ou craintes, les deux parfois, ne contredisent les années de cartographie du territoire Rapoon. Denis Boyer

Denis Boyer

2009-09-26