Biosphere – Wireless – Live at the Arnolfini, Bristol

Touch
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Un concert de Biosphere n’est pas entièrement prévisible. Tournera-t-il à l’avantage du rythme ou de la texture, de la matière ou de l’harmonie ? Généralement, un ton se donne, se fixe ensuite pour guider l’heure de performance. Wireless déroge à cette règle que j’ai pu observer, peut-être en raison du caractère très spécial du festival lors duquel il a été représenté, pour les vingt-cinq ans du label Touch. En tant que musique à visée organique (et viser n’est pas atteindre à chaque fois), celle de Geir Jenssen / Biosphere se doit d’assimiler l’ensemble des éléments sonores qui la constituent, afin de dévoiler l’harmonie du corps élaboré. Si les morceaux joués sont pour la plupart des compositions déjà publiées en versions studio sur les albums précédents, leur présentation pour ce concert prend une pli plus ondulant qu’à l’habitude, dans l’esprit de ce corps précisément, dont ils deviennent des organes, comme ils ont été, autrement, ceux de l’album sur lequel ils ont été originellement publiés. C’est-à-dire qu’il a fallu repenser la masse globale de l’heure, l’accorder aux morceaux autant que les morceaux ont suivi son métabolisme. Ainsi, plusieurs tempéraments se chevauchent, se mêlent, fusionnent. Les abstractions surgissent en crêtes, comme affleurements, field recordings boisés, rocailleux, projetant les pièces dans une nature qui leur convient tout aussi bien que le studio dont ils montrent souvent la netteté. Une trompette également (Jony Easterby) vient apporter une autre lumière. Les boucles, on le sait, gardent leur propre amplitude, mais elles semblent aborder dans leur développement du moment, l’imprécision qui caractérise les régularités naturelles. Dès lors, les choix opérés durant les dernières années par Geir Jenssen prennent plus de sens encore : peu importe finalement pour lui que l’esthétique soit électronique, acoustique ou naturaliste, il les modèle dans un seul courant, son grand talent de compositeur s’y amuse des codes et confirme le sien tout en l’exposant au grand jour, au grand vent, à la poussée du paysage : les percussions liquides pleuvent, les boucles de cuivre sont nébuleuses, les charrois métalliques y soufflent, l’harmonie y est tout le paysage, et la mélodie se laisse pressentir, comme le langage dans ce qui ne parle pas encore.

Denis Boyer

2009-09-24