2kilos &More – entre3villes

Optical Sound
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Entre trois villes, entre autant de courants, qui convergent vers cet îlot. Là, avant de repartir, dissous, ils échangent et mêlent leurs alluvions. 2kilos &More, projet en duo d’Hugues Villette et Séverine Krouch, montre les apports successifs et concomitants des vagues musicales qui l’ont emporté, dans lesquelles il s’est immergé. Car Hugues Villette, aussi loin que l’on puisse y voir, n’a pas assez du rythme, pas assez de la mélodie, pas assez de la texture. Il lui faut tout cela. Batteur fondateur de My Own, batteur d’Osaka Bondage, de l’extraordinaire [1] kilo Of Black Bondage, il s’abreuve de post rock, d’electronica, de dark ambient… assimilant pareillement Labradford et Zoviet*France. Il a su les écouter et recevoir leurs leçons respectives. Îlot donc, nourri de ces riches influences, 2kilos &More s’est montré remarquable dès le premier album, 8floors lower, où se jouant des règles, le duo parcourait l’abstrait en orpailleur pour y découvrir les pépites mélodiques. Le nouvel album entre3villes articule autant de voies et, sans doute plus que bien d’autres, ce travail mérite incontestablement l’épithète « expérimental ». Le trio d’instruments du prototype rock, guitare, basse, batterie, est toujours convoqué, ainsi qu’un arsenal de sons, de traitements, électroniques, récoltés, et chaque composition montre un assemblage différemment et singulièrement rééquilibré. Parfois, c’est la basse qui mène, et le brouillage l’enrobe, parfois la guitare, en notes rares et couvertes de réverbération, ailleurs la batterie escarpant le paysage sonore sous un ciel de nappes bourdonnantes. En d’autres endroits, les hommages à Pan American ou Labradford sont plus flagrants, hydratant doucement ce désert éternellement crépusculaire. Les voix de Black Sifichi et Flore Magnet s’y rejoignent, enroulant leurs différences complémentaires, le rugueux et le doux, le parlé et le chanté, multipliant comme par reflet pour la richesse de la musique, les allusions croisées à la figuration et à l’abstraction. Toujours, impérieuse, et c’est peut-être la leçon à retenir d’un tel assemblage de travaux, la volonté mélodique, allongée ou bouclée, resurgit, peut-être pas tant que sur 8floors lower, mais elle s’extirpe de la séquence électro, de la vague granuleuse, de la préparation rythmique : une mélodie comme accomplissement.

Denis Boyer

2009-09-24