Tô – Etzama / Jerman Jeph – Metal drift

Césaré
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Fissür
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Etzama, c’est un peu Tô « hors les murs », car la musique de Tô était si ancrée à sa terre ; elle avait le goût de terre, on y sentait les matières organiques en profonde reconversion. Etzama, apprend-on, est « composée de captations vibratoires, magnétiques et aériennes, issues de l’installation Test / Tone ». Cette installation est un travail phonographique qui prend pour objet un lieu, la Cartonnerie à Reims, consacré à la diffusion de musiques amplifiées. Les sons captés l’ont été dans l’ensemble du bâtiment, de préférence à travers le filtre des murs. C’est le « résidu » de ces sons qui s’entend ici, fantôme de son qui a traversé la matière. Loin de s’y perdre toujours, il s’en trouve parfois accru, élargi il gagne la densité de la paroi en la faisant toute résonner. Rares sont les échos de voix, plus nombreux sont des drones profonds et vrombissants – jusqu’à l’inquiétude –, grésillant en pointe, en pluie. Thomas Tilly / Tô joue brillamment avec leur ouverture, les fuselant ou les dissipant en la réglant. On voit alors qu’il teste et agrandit leur grain, fait apparaître en fond une nappe blanche de drone réfrigéré ; il est peut-être en train de laisser passer métaphoriquement les grains de sons entre ses doigts, puis, à l’inverse, de les compacter en poignée, comme il le faisait avec sa terre. Sur son propre label, Fissür, il a récemment publié un album de Jeph Jerman, lui aussi oreille attentive des environnements sonores, du vaste à l’infime. Metal drift est à la croisée des univers de Jon Mueller et de Slavek Kwi, roulant ses flots de percussions métalliques qui ne semblent ni frottées ni frappées, mais simplement mises en mouvement. Ces plaques de métal, trouvées dans le désert qui entoure la ville où vit Jerman, se voient ainsi animées par l’artiste, dans un roulis qui doit autant au vent qu’à l’océan qu’il figure. Ballotté, tangué, forcé, le métal parle, résonne, assemble ses sons en manière d’articulation. Crispations, rouilles, mais aussi sinus lissés : ces sons sans traitement sont mis en œuvre dans un grand schéma de ce qu’il convient d’appeler sculpture sonore. Jerman la tourne, comme le potier avec sa jarre, comme le jardinier avec sa terre (car lui aussi est habile naturaliste), c’est ce qui lui assure le geste, que l’on entend, donné sans effort apparent, mais garant de la belle fluidité de tout le disque.

Denis Boyer

2009-02-22