Shoemaker Matt – Spots in the sun / Shoemaker Matt – Mutable depths

Helen Scarsdale Agency / Metamkine
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Ferns / Metamkine
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Matt Shoemaker travaille un drone que l’on qualifiera sans peine de natif, en ce sens qu’il sort tout juste du filon. Il est épais, magmatique, garde encore trace des glaces et des vents qui ont érodé sa gangue en d’autres ères. Il est métallique comme l’outil que l’on imagine pour l’extraire. Il est tout résonances brutes mais combien accordées les unes aux autres en un flot qui montre le choix du mineur pour la gemme extraordinaire. Les cloches, les field recordings, les souffles glacés, les soubassements liquides cimentant Spots in the sun se lient en un mélange mouvant qui sans cesse modifie ses équilibres et son cours comme le ruisseau indompté. Celui-ci est souterrain et charrie ces scories que le soleil met en valeur dès qu’elles surgissent au jour, des minéralisations dans le gluant d’harmoniques, des crépitements dans le chant fantôme des cordes caressées par le vent. Certains se séparent, font la halte et s’épanouissent telle la nymphe sur la pierre avant l’envol. Belles extensions de métal délicatement frappé, elles attirent le flot à elles, hâtent leur rappel à cette matrice informe qui les a délicatement roulées. Alors, les drones mélancoliques, les manteaux neigeux réapparaissent, acceptant le retour de leur ponctuation prodigue. Mutable depths est une œuvre plus ludique, plus éloignée de son filon aussi. Elle s’entend comme une pièce concrète, à un degré de représentation de ses acteurs sonores bien plus élevé que Spots in the sun. Les torsions, les chaloupes boisées, les crissements insectoïdes, les déversements et les souffles s’illustrent d’abord en leur pleine identité. De natures contradictoires, ils crient parfois leurs différences, se hérissent hors du corpus sonores assez tourmenté, mais parviennent toutefois à s’accorder sur la direction à prendre, qui prend la voie du flot unique, le geste dronique réverbérant, au fur et à mesure de leur dépense d’énergie. Une fois épuisée, elle laisse une courant asséché, roulant à peine un filet sur le fond jonché des belles minéralisations de son voyage. Shoemaker est un des ces compositeurs comblant l’intervalle qui existe entre musiques industrielle et électroacoustique. Ces deux disques les montrent chacune prenant le pas dans la forme. Il reste que chaque fois elles parviennent ensemble à former la pâte, une fois trouvé le rythme de l’artisan penché sur son tour.

D.B.

2008-09-15