Scorn – Stealth / Scorn – s/t (10’’ picture disc)

Jarring Effects / Ad Noiseam
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Üne Records
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Pour Mick Harris, aucune période d’apparente inactivité n’en est vraiment une. La musique est son expression naturelle, canalisation d’une tension et peinture expressionniste. Elle semble s’imposer sans relâche, car elle a comme la rivière fait son lit et dessiné des méandres. Ces deux nouveaux disques de Scorn reprennent le courant où les derniers disques publiés par Ant-Zen l’avaient dirigé. Dub mid tempo, circonvolutions de basses et firmament d’effets tracent les contours d’une musique qui s’est peu à peu familiarisée avec l’électro pour l’intégrer à son système. Et ce n’est qu’une des décorations qui montrent un esprit singulier au travail. En vérité, c’est un travail de création perfectionné et perfectionniste, une attention portée aux mouvements, comme ces percussions boisées, retours d’écho en forêt. Car il s’agit bien d’une sylve. Mais là où la nature laisse chaotiquement les arbres s’agencer, Mick Harris crée un lacis complexe découpé mathématiquement. Une forêt d’herbes sous-marines sans doute. Peu d’artistes ont ainsi balisé leur monde, je veux dire de tracés complexes ressemblant à quelque formule de cabaliste. Un monde et sa formule, ses équilibres, sa pression, son climat, ses minéralisations, ses précipitations. On le reconnaît immédiatement comme sien, et pourtant les années ont amené leur lot d’émules, plus ou moins méritants. Mick Harris a ce sens affirmé de la percussion reine, centre rythmique, rythmique centrale. Toute percussion y est langage de sens mélodique. Claquements, caisses profondes et surtout caisses claires aiguisées – elles sont dans toutes leurs déflagrations savantes, sableuses ou métalliques, le point d’orfèvrerie de Mick Harris artiste percussionniste. Elles s’accordent comme pour une symphonie de la forte pression. L’eau est tout autour, elle n’a jamais quitté sa musique. Les basses le rappellent, qui louvoient, rôdent et dessinent les curieuses lignes que leurs nageoires laissent dans leur sillage. L’extatique sécheresse de Logghi Barogghi et le groove bleuté de Plan B semblent se mêler dans l’eau qui déforme et allonge, toute claire qu’elle est pourtant. Nid de nymphes et repère de monstres marins, elle héberge en paix les babillages lumineux et les basses murènes.

D.B.

2008-03-15