Pjusk – Solstøv

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Si l’on excepte quelques rares cordes fournies comme sur leurs trois autres albums par leur compatriote Tor Anders Voldsund, les deux musiciens norvégiens de Pjusk ont utilisé pour unique matériau de Solstøv des sons de la trompette de Kåre Nymark Jr. S’entend aussi, peu avant le milieu du disque, un court poème écrit et dit par Nicolas Grenier, poème qui, quoique de forme anodine, guide la ligne esthétique de l’album, un aller-retour incessant entre la fragilité de l’infime et l’aspiration à l’immensité. Ici et là, un même tropisme dissolvant s’empare de cette musique ambiante glacée.
Dans ses phrases les plus reconnaissables, la trompette s’éprouve comme les plus vaporeuses respirations de Luc van Lieshout et Steven Brown. Ces ondulations survolent la trame de la musique comme les rubans de l’aurore boréale ou les serpents de nuages dans le rose du soleil couchant. Au sol, et plus bas encore sous la banquise, la matière de la manipulation poudre de lignes compliquées le permafrost. Alors que l’effritement marque le plus souvent l’érosion portée par la glace et les musiciens au souffle cuivré, les nappes naissent, s’agrègent et se défont comme bancs de poissons jouant avant de s’effaroucher. Des échos percussifs, infinitésimaux, des pointes veinant le bourdon en microscopiques attaques orageuses, forcent le regard, l’écoute, l’attention ; une pulsation naît sous la fine couche de glace et la chimie du sel remplace alors la vue : les cordes s’effondrent, remontent, trouvent entre deux eaux denses une flottaison amplifiant leur résonance. Lorsque la lumière filtre de nouveau, c’est dans la bienveillance bleutée d’un fantôme de fredonnement, une douce voix blonde répondant à la fragile et extatique ébauche mélodique qui ouvrait pour ainsi dire l’album avec son premier effondrement tonal. Alors, la trompette renaissant dans ses phrases, l’on nage de conserve avec elles, sans plus vraiment savoir si c’est dans l’air ou dans l’eau figée que l’on entend doucement pleuvoir les pointes d’harmoniques glacés.

Denis Boyer
2015-06-03