Boban Ristevski & Wilfried Hanrath – Be Here Now

Attenuation Circuit

https://emerge.bandcamp.com/album/be-here-now

 

C’est, comme l’on dirait d’un livre, in media res que l’on pénètre dans cet album, au cœur des choses, de leur déroulement. D’ailleurs, bien que linéaire, la musique du premier morceau se présente comme circulaire. L’artisanat du musicien, plutôt des deux musiciens, est tel celui du potier antique, d’un geste dont la régularité est émaillée de mille minuscules scories, de subtiles variations de textures, qui feront l’apparence finale de la faïence parfois proche d’un dessin de guêpier ou d’un camaïeu de reflets, comme toutes les vieilles terres cuites en recèlent.

En reprenant à leur compte pour intituler leur album le titre du livre de Ram Dass qui a contribué « à introduire les spiritualités orientales dans les contrecultures occidentales », les deux musiciens affirment dans le même temps l’abolition du déroulement linéaire. Pour autant la musique n’emprunte rien d’évident aux formes indiennes. C’est plutôt l’esprit du mantra qui habite leurs compositions. Et le timbre, les textures leur appartiennent, ou plutôt ce sont, appropriées avec talents sur les deux premiers morceaux Be Here Now 1 & 2, ceux d’une drone music postindustrielle et ouverte aux sons concrets. À cet égard, le deuxième morceau, long de plus de trente-cinq minutes, est plus délicat encore, il se tisse plus lentement, reste campé plus longtemps dans la grisaille aussi et, parti pris des musiciens, dévoile les instants de sa naissance, de la construction aussi certaine qu’insaisissable d’une éclosion de fleur. Il s’amplifie alors de la même manière que le morceau précédent, gonflant peu à peu ses harmoniques, égrenant ses inserts concrets et installant insensiblement un rythme respiratoire. Une musique littéralement organique.

Quel dommage cependant que le troisième morceau, bien que débutant dans le bourdon, n’emprunte pas cette même forme libre et riche de possibles, et se cantonne à la démonstration plate de notes de synthétiseurs sans ampleur. Aussi, on oubliera cette conclusion qui n’ôte rien au potentiel onirique et à la richesse de tons des deux premiers Be Here Now.

Denis Boyer