Phil Von – Von Magnet

Unknown Pleasures Records

https://hivmusic1.bandcamp.com/album/uprgold023-von-magnet-cd

 

Grain de sable du désert dans la machine, danseur flamenco dans la friche industrielle, rêveur solitaire dans la nuit des cités rutilantes, pôle magnétique dans la géographie mouvante des douars, Phil Von est tout cela et plus encore.

Plusieurs décennies après qu’il a cofondé Von Magnet, Phil Von, infatigable arpenteur des routes réelles, technologiques et oniriques, publie un album qui porte le nom de… Von Magnet.

Peut-être sent-il venu le temps de se retourner, de jeter un regard sur sa planète, sur le chemin parcouru, de se redire que Von Magnet est né et a continué d’évoluer sur le principe des « rencontres », des « mélanges » (Mezclador) de l’acoustique et de l’électronique, du flamenco et de la cold wave, de la chair et du métal, du froid et du chaud, de l’homme et de la machine… Il faut voir double pour apprécier Von Magnet – magnet, l’aimant lui-même suggère autant le magnétique que l’amour.

Il n’est donc pas étonnant ici, comme pour un survol, un arpentage panoramique, de trouver chez celui dont la première syllabe du véritable patronyme s’entend presque comme le mot initial de son groupe, un nouvel écho à ce manifeste pour une œuvre globale, où il est accompagné de collaborateurs habitués (Def, Flore Magnet, Hugues Villette…) et d’autres plus récents.

« Tout est en moi, je suis en tout, tout est en toi, nous sommes le tout, le monde vibre en nous, en vous se dissout… », chante-t-il dès le deuxième morceau. Cette volonté d’habiter le monde par tout son corps, tout son esprit mais aussi de partager ses expériences a fait de Von Magnet, maintenant endormi depuis dix ans, un groupe, une troupe, un collectif, qui a accueilli, s’est enrichi de nombreux musiciens, danseurs, techniciens… et dans sa musique encore une fois Phil Von célèbre la greffe de la musique arabo-ibérique et de l’électronique moderniste. Les mélodies, agrégeant leurs obédiences, s’accordent sur une douce mélancolie, accommodée à un long crépuscule qui célèbre encore la vie jusqu’au dernier rayon du soleil et apprend à la nuit à donner refuge au mouvement.

Au gré des morceaux, de la chaloupe, du déhanchement, les cordes et les séquenceurs alternent ou équilibrent leur préséance, pourvu que, une fois assemblés, ils restent au service de la peau, de la voix chaude et triste comme celle du cantaor. Mais aussi, et c’est encore en cela que la chair, le souffle, l’esprit – l’humain – sont toujours les maîtres ici, d’idéales oasis presque ambiantes se déploient de place en place, redessinant à l’aide de cordes allongées et d’électronique réverbérée, les sinuosités que le vent a laissées sur le sable. Oui, Von Magnet a été tout cela, et aujourd’hui encore, Phil Von lui refait un archipel, une planète.

Denis Boyer