Fabio Orsi – Late Afternoon Tapes

Attenuation Circuit / Grubenwehr Freiburg

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La discographie de l’Italien Fabio Orsi, tant solo que collaborative, est pléthorique et il fait partie de ces artistes qui, à la manière de certains peintres impressionnistes, parcourent sans relâche le même monde, pour saisir ses variations telluriques, climatologiques, lumineuses. Précisément lumineuses, car dans ces Late Afternoon Tapes on ne saurait faire la part des cordes et celle du synthétique, tant les allongements des unes et le fuselage de l’autre s’absorbent dans la réverbération. C’est bien la lumière ici qui varie progressivement au gré des textures, celle d’une fin d’après-midi, qu’Orsi tente de peindre, jusqu’à l’arrivée du soir.

Selon le label, Fabio Orsi se place dans le sillage de Fripp ou encore Fennesz. Je dirais peut-être plus encore dans celui de Fripp & Eno, inventant ainsi rétrospectivement les prémices de leur Evening Star. On n’oubliera pas non plus qu’Eno s’était lui aussi attardé sur un après-midi, avec Thursday Afternoon.

Mais la répétition n’est pas le geste principal de Fabio Orsi dont les cinq « Tapes » de cet album évoluent aussi sûrement que la course imperceptible du soleil dans un ciel légèrement voilé. C’est la fin de l’après-midi qui se déroule, une période de transition, un moment liminaire, ou plutôt liminal.

Pour qui l’observation est une habitude, elle dévoilera la flottabilité des sensations, un accompagnement des respirations lorsque depuis leur lent déploiement, les cordes poussent quelques pointes comme un sanglot de cuivre. Des touches miraculeuses, comme autant de gouttes d’une pluie d’or, creusent alors l’horizon vers le haut, vers un ciel à jamais baigné d’une lumière douce, en éternel transit vers la nuit, qui se dessine plus manifestement dès Tape Three lorsque le profond drone cosmique en figure le premier appel.

C’est la grande maîtrise des cordes et des touches que l’on observe ici, dans la tradition d’autres musiciens italiens tels que Oöphoi ou Alio Die, ou de ceux qui ailleurs leur correspondent, comme Steve Roach (on pense à l’album Structures From Silence), Taiga Remains ou à certains égards Vidna Obmana.

Sans être programmatique, l’album Late Afternoon Tapes répond parfaitement à son but, accompagner le lent déclin de la lumière et l’on qualifiera bien sa réalisation d’impressionniste, déployant le grand pouvoir d’une musique ambiante dynamique, à la fois hautement décorative et puissamment évocatrice.

 Denis Boyer