Loop – Sonancy

Reactor

https://loopbandofficial.bandcamp.com/

Il se dit beaucoup, depuis la sortie récente de l’album Sonancy, que c’est un saut important dans l’évolution de Loop, si l’on considère comme précédente étape l’album A Gilded Eternity, sorti en 1989 et dernier de la période originelle du groupe de Robert Hampson. Les ruptures rythmiques d’un morceau comme Afterglow sur cet album pourraient a posteriori sembler annonciatrices de l’évolution constatée, mais c’est ignorer, ou du moins négliger le E.P. Array – pour ainsi dire un mini-album –, paru en 2017 qui marque véritablement le nouveau départ de Loop. C’est donc dans cette double perspective qu’il convient d’examiner Sonancy.

Sur Array, particulièrement avec Precession le morceau d’ouverture qui lui sert d’étendard, les traitements du son, de la voix en particulier, mais aussi la couleur générale et les structures rythmiques exploitées, se sont déjà détachés du psychédélisme brumeux des trois premiers albums. Plus encore ce qui de manière remarquable signe la nouvelle manière, c’est la contraction sonore, la densification des distorsions, des réverbérations. Bien que les trois musiciens qui aujourd’hui complètent Loop en compagnie de Robert Hampson constituent un nouveau line-up, ce principe est conservé, et la production d’Array est reconduite, sans rupture. Plus encore, le riff saccadé de Precession se trouve presque dupliqué sur trois morceaux au moins de Sonancy. C’est désormais, plus qu’une ellipse, qu’une « boucle » (« loop »), une succession de crêtes et de sinus que semble figurer cette musique. Le morceau Halo, qui pourrait aisément être extrait en single, en figure l’archétype.

Plus encore que chez les Spacemen 3 (les deux groupes ont souvent été comparés, jusqu’à provoquer entre Sonic Boom et Robert Hampson une profonde inimitié), la mélodie a toujours été centrale chez Loop. La modification du chant, de son traitement – moins lointain mais toujours enrubanné de nébuleuses métalliques –, de la densité des guitares, n’empêche en rien la constance de la qualité mélodique. C’est assurément une nouvelle signature qu’adopte Robert Hampson, elle est à la fois plus compressée comme on l’a vue, mais elle a aussi assimilé toutes les années de dormance du groupe, pendant lesquelles il avait poussé jusqu’aux confins de l’abstraction Main, son avatar suivant, centré sur les possibilités de la guitare. Ici, fort de ce long travail qui l’avait mené jusqu’au GRM, il tapisse le maillage chromé des morceaux de vagues, de granulosités, et même d’impressions d’infinite guitar.

Le niveau d’influence de Loop – et même de vénération pour un groupe dont le succès en Angleterre fut important il y a trente ans – a imprimé une trace profonde. Ce retour, fort des nouvelles manières qui ne trahissent en rien les anciennes, comme on l’a vu, la ravive aussitôt, si jamais elle s’était estompée. Le noyau dur des passionnés a pu suivre Hampson dans ses expériences, sans jamais oublier son rock froid et stupéfiant, modèle du genre. Nombre de ses pairs eux-mêmes, aussi divers que Steve Von Till (Neurosis), Stuart Braithwaite (Mogwai) ou Robert Smith (The Cure), tous trois remerciés sur la pochette de Sonancy pour leur considération (les deux derniers au moins ayant programmé Loop en concert), ont mordu à la boucle sans jamais s’en détacher.

 Denis Boyer