Jacaszek – Music For Film

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Depuis ses débuts, nous dit le musicien polonais Michal Jacaszek, il a composé sa musique à la manière de bandes son. C’est donc naturellement qu’il a pu concevoir des musiques originales pour des courts ou des longs métrages. À la manière de Brian Eno récemment, mais la comparaison s’arrête ici tant la manière de traiter la musique ambiante diffère entre ces deux artistes, il a réuni en un seul album un choix de ces compositions.

Profondément calmes, celles-ci accomplissent ce que l’on demande presque toujours à de tels travaux : l’autonomie dans un premier temps, le pouvoir d’évocation dans un deuxième. C’est là toute la tension que doit résoudre un compositeur dans ce genre d’exercice. L’instrumentarium est partagé entre les pianos, les cordes, les percussions, les sons concrets, les infiltrations synthétiques et les effets électroniques. Le résultat que l’on range commodément sous l’étiquette « classique contemporain » montre la large palette de Jacaszek, depuis les textures froides et minéralisées (comme les expose le label Touch – Jacaszek a d’ailleurs publié deux albums sur ce label anglais) dans le morceau 49 ouvrant le disque, jusqu’aux fantômes de chant baroque sur Christ Blood Theme, et des arrangements de cordes inquiétants soutenant des nuages de voix rétractées aussitôt après leur éclosion, comme empruntées à Ligeti, dans The Iron Bridge ou Liina, aux délicates pluies de piano romantique de Encounter Me In the Orchard. Mais chaque pièce est multiple, la vie de la musique s’y déploie à la façon de la lumière dans une pièce, sur une scène, comme les expressions sur un visage. Et ce même morceau Encounter Me In the Orchard évoqué à l’instant me semble des plus représentatifs tant il accorde le touché blanc, à peine bleuté, des doigts sur le clavier, avec la gravité des cordes qui peu à peu se bouclent d’une brune épaisseur sur le ciel du verger. Dans ces musiques pour film, on avance, de même qu’au cœur de certaines compositions de B. L. Boysen, dans le jour qui peut bien se transformer en nuit, sous un ciel pâle qui peut bien se charger de nuages ; on chemine nimbé d’une gravité qui s’affirme en beauté. Avec quiétude, et un tel supplément n’est, de nos jours, pas à négliger.

Denis Boyer