Francisco López – untitled #370

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Biologiste et musicien, Francisco López a depuis longtemps acquis l’usage du monde. Ils sont peu nombreux qui comme lui ont autant voyagé, à la recherche des dynamiques sonores de chaque lieu. On ne trouvera pourtant nulle trace volontaire de poésie dans ses très nombreuses œuvres et si la plupart sont sans titre (« untitled ») c’est pour éviter toute tentation romantique. Soit, Francisco López n’est pas le double musical de Nicolas Bouvier et c’est à la recherche de la carte sonore du monde qu’il se rue, de la formule alchimique du grain acoustique, de la réverbération. Que l’on approche le galet de granite du microscope voire de la loupe, et le massif ou la lande où il a été ramassé s’évanouissent, au profit d’une cartographie minérale.

La pièce présentée ici, untitled #370, ne déroge pas à cette règle quasi générale dans l’œuvre de Francisco López d’une approche transcendantale. Une heure de voyage au cœur de la cellule sonore : de pétillements, de glissements accidentés, d’escarpements sous-marins, car c’est indéniablement dans un flot, peut-être celui d’un cours d’eau, que s’insinue l’épanchement sonore. Avec un peu d’imagination, ou de mémoire, on se laisse couler dans les veines les plus froides du torrent, parfois heurtées par les énormes rochers du granite évoqué plus haut, qui en jalonnent le fond. Il est intéressant pour filer la métaphore aquatique, de se concentrer, comme c’est souvent possible de le faire dans la construction de López, sur l’examen des différentes couches sonores, là en strates, ici en profondeurs. Du plus sourd au plus lumineux, les sons progressent parfois en décalé, chevauchant le courant sous-jacent jusqu’en son milieu, suivi d’une tonalité voisine mais d’un grain différent pour former insensiblement une nouvelle combinaison de l’écoute en coupe. Hautement dynamique, cette pièce connaît, au-dessous encore de ses rapides écoulements serpentins, une résonance souterraine qui, comme happée par le fluide, vient palpiter et provoquer l’apparition symétrique d’une brillance d’harmonique de surface, jetée par la lumière du soleil. Aussi bien c’est par ces ors que débute la seconde partie du disque, pour s’achever dans la palpitation abyssale – et l’on ne peut que renouveler l’approche, à savoir l’examen stratigraphique doublé d’une écoute panoramique. Plus que toute autre cette musique force à pratiquer la double vue, car elle est, selon le vœu du musicien, de l’infime comme du cosmique, de nulle part comme du monde entier.

Denis Boyer