GalatiMosconi – Penombra / Galati – Silence [as a Din]

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Roberto Galati est un artiste des extrémités : le froid, le crépuscule, le silence sont ses domaines de prédilection. À ce point de risque pour la chaleur de la vie, il a développé en manière de viatique – ou de poche de résistance – une sensibilité tout aussi extrême. Pour l’exprimer il a choisi certains codes de la musique ambiante et du post-rock, à savoir l’étirement des textures, leur jeu avec la lumière, leur effilochement voire leur effondrement. On se rappellera son album Gletscher et on pourra réécouter avec émotion la pièce Mother (un thème qui a habité un autre de ses albums) donnée pour le CD accompagnant le Fear Drop 17.

Pour ses deux plus récents travaux, il a travaillé en collaboration. Penombra est un album réalisé avec un autre musicien italien, Federico Mosconi. Peut-être plus clair, en tout cas plus chaud que les travaux solitaires de Galati, Penombra semble couler lentement, pareil à une pâte qui se dégèle et réverbère le spectre lumineux aux différents étages de ses rubans inégalement liquéfiés. Des cordes principalement, de guitare, et une patiente érosion pratiquée par des traitements électroniques : le cœur de la matière est accessible sans décalage, mais aussi sans dommage pour l’émotion esthétique. Il n’est pas affaire triviale de mécanismes, tous leurs effets sont immédiatement observables, la vaporisation des harmoniques, la réverbération des résonances avant qu’elles ne s’affûtent en larsens, le grondement des boucles et, inexplicablement, ce secret de l’art qui fait d’une forme accomplie bien plus que la somme des géométries qui ont présidé à son édification, un souffle vertueux d’héroïsme polaire. Au loin se dessinent alors, dans une pénombre qui durera six longs mois, de subtiles lignes de cordes en vagues de bourdons mélancoliques qui se nourriront d’ombre pour réserver le minimum de clarté. Sous ce peu d’éclairage, économes sans lésine, les aventuriers arctiques ponctueront encore quelques strates glacées de tintements et de vibrations électroniques, accordant leur anguleuse technologie à la naturelle ductilité des cordes.

C’est probablement le fil d’une telle lame, si minérale, que Roberto Galati a voulu suivre sur l’album Silence [as a Din] – le silence comme vacarme. Singulièrement, cet album est moins textural que ses autres œuvres. Je m’exprime sans doute mal, je ne veux pas dire que la texture y est moins travaillée, tissée, allongée, éclairée, effrangée puis reprise, mais simplement qu’elle est au service d’une composition plus figurative où les accords, les boucles, les évolutions au seuil de la mélodie, font entrer le travail de Galati dans un domaine qu’il affectionne depuis toujours, celui d’un froid modelé par le post rock. Plus que My Bloody Valentine ou Labradford, deux extrémités d’un hypnotisme souvent cold, le modelé évoque volontiers le geste de Swans depuis la reformation. Sur cette épaisseur pleuvent des écailles rythmiques kaléidoscopiques, des notes choisies filées dans un mode mineur, qui s’étirent en pénombre triste, ici encore. Une voix est même convoquée épisodiquement, celle de Stella Talami, étirant l’empan jusqu’aux fondations de 4AD. Mais c’est encore dans le concept qu’il faut situer la genèse de ce disque car s’il accuse des formes plus marquées, il s’appuie sur une nécessité d’éternité, d’allongement du temps pour en faire une dimension physique observable, appareillée au rythme du monde, à tel point que son silence matriciel en devient révélateur de la cataracte de son que nous portons en nous.

Denis Boyer