Micro_Pénis – Schlim (LP)

 

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Doubtful Sounds

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Autour de Sébastien Borgo (Ogrob), la réalité observe une tendance certaine à la distorsion. À travers le verre dépoli de sa digestion du monde, Borgo, entouré ou non de partenaires, met en valeur les vertus métaboliques de sa musique, pour atteindre à une pâte sonore qui interroge et fascine parfois jusqu’aux plus aguerris des auditeurs de musique expérimentale. Dans Micro_Pénis, dont Schlim est le quatrième album, Borgo, Spenlehauer, Kittel et Heyer évoquent, chamboulant presque toutes les conventions, jusqu’à celles qui définissent les musiques « non conventionnelles », un Whitehouse qui n’aimerait pas que l’obscurité, un Nurse With Wound new school, un Geins’t Nait plus électronique, et composent une expression sonore comme un bégaiement stroboscopique des rythmes, une glossolalie éruptive et éructante  de couinements urticants et de grincements cuivrés. Voilà pour l’aspect le plus spectaculaire, comme on l’entendait sur le premier LP. Aujourd’hui, plus souterraine, la musique de Micro-Pénis s’arrange de l’obscurité pour gratter les galeries, elle vrombit, adapte sa respiration aux poches de grisou, rencontre des chimères aveugles nourries au charbon, rappelle à certains moments les feus Reynols (on ne s’étonne pas de retrouver Alan Courtis aux côtés de Borgo / Ogrob dans un autre groupe, L’Autopsie…). La face B de Schlim est un morceau de bravoure. Imaginons l’atelier de Myiase, où se sécrète patiemment une pulsation subliminale, et peuplons-le d’une musique concrète où le sentiment de l’absurde rumine ses grognements contre les histoires qui finissent bien et peut-être même celles qui finissent tout court. De filon en filon, on racle, on glisse, on grince des dents ou encore on se laisse aller dans une cavité de métal lumineux. Réaction immédiate à ce corps étranger : vissage d’une voix allemande dans un power electronics paradoxalement organique que ne renierait sans doute pas Tzii.

Les vertus stupéfiantes d’une telle musique ne tiennent pas tant à son incongruité qu’à la capacité de tisser avec celle-ci, de monter un ensemble complet et homogène de ces fragments et de ces filins que l’on aurait jurés incompatibles. À l’inverse d’un plunderphonics qui n’étonne justement le plus souvent que par sa mise en opposition de débris musicaux hétérogènes, Micro_Pénis réalise une synthèse monstrueuse des digestions inattendues de techniques musicales disparates. Je file la métaphore entérique et vante cette capacité, transgressant toute morale, à travailler dans un creuset sonore qui, du fluide « nutrimentiel » à la glaise excrémentielle, représente la matrice du prodige alchimique.

Denis Boyer