Beequeen – Seltenturm Beesides 1989-2000 / Freiband – Leise / Frans de Waard – Vijf Profielen

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Crónica
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Les nouvelles compositions de Beequeen ne paraissent désormais que de loin en loin mais le duo de Frans de Waard et Freek Kinkelaar promet une suite prochaine à Natursymfonie, Ownliness et The bodyshop. Pour l’heure, il a décidé de visiter son fonds déjà important et de le publier sous forme d’anthologies. On a encore en mémoire le magnifique A touch of brimstone, paru il y a quelques années, réunion de morceaux publiés primitivement sur des compilations. Seltenturm Beesides 1989-2000 regroupe des enregistrements épuisés devenus rares et qui, malgré les quelque dix années sur lesquelles ils s’étalent, sont remarquables d’unité. Le projet d’une musique ambiante à la fois froide et minimale réalisée de manière sensuelle sans limitation de source et d’instrument montre sans ostentation l’économie du geste et la recherche d’un état de grâce dans la proximité de l’immobile. De beaux drones bleutés, des vagues de plaintes en coupole vite avalée par l’horizon, des traces de manipulation concrète ponctuant le lisse tapis comme les étoiles dans le ciel ou les cailloux sur le chemin, voilà l’image globale de cette musique de transition entre deux générations d’artisans de l’abstraction. Souvent naît la mélancolie de ce paysage austère mais ultrasensible, une mélancolie d’avant l’homme comme on la trouve parfois dans le travail de ceux qui s’effacent derrière la beauté de leur exercice. Sous le nom de Freiband, de Waard procède à des expériences d’un autre genre, où la matière est plus souvent exhibée que mise en œuvre. En l’occurrence, sur Leise, il s’agit de travaux réalisés à partir du jeu de la fille de F. de Waard sur les « instruments » de son père : feuilles, plaques, plastique, bâton… Trouvailles de grain, de matériau, de densité, et jeu surréaliste avec cette étonnante disposition du flux sonore à se dresser en écho musical. Mais l’analogie est trompeuse. On croirait y déceler la dynamique d’un système plus vaste. Or l’affleurement ne dépasse aucun socle souterrain. Qu’on l’écarte et il s’écroule, ne dévoilant rien d’autre que lui-même : un grain, une onde, une courbe, un souffle, rangé là, en ordre certes mais sans une solidité pour l’aider à se projeter. Ainsi, les premiers morceaux de Leise ne transcendent que rarement leur démonstration, se dépiautent facilement lorsque le travail de traitement minimal est soulevé, minimal par nécessité semble-t-il. Il faut attendre le sixième morceau, Vuur, pour que Frans de Waard s’emploie à personnaliser son traitement des sources, en organisant frottements et crépitements en une sorte de click’n’cut primitif assez réjouissant dans une optique de renouvellement organique ou concret du genre (dont le maître reste sans doute Radboud Mens). Ainsi du septième titre, avant de déboucher sur une plage éblouissante d’onde lumineuse porteuse d’élégies pré-mélodiques, une oasis appréciée dans cette étendue de sécheresse. Frans de Waard multiplie les alias au gré de ses collaborations ou de ses détours solo mais il a choisi simplement son nom pour publier Vijf Profielen, splendide monument dronique mêlé de paysages concrets, dans une totalité faisant figure d’agitation portuaire, sur le sol, dans les eaux et les airs. S’agit-il d’un bourdonnement qui emmène, qui déplace l’audition et montre à ses flancs, à peine distordus, les mouvements de chaînes et de sable ? Ou bien ceux-ci sont-ils les moteurs du flux ? Les deux perspectives sont recevables. J’ai tendance à penser la première solution comme la plus pertinente ; se laisser voyager au gré du flot épais, le perdre pour l’entendre ressurgir, c’est un peu une navigation sur des terres ou les roches sont chaque fois nouvelles. On entend ici la belle part que F. de Waard apporte à Beequeen, celle rugueuse mais timidement poétique en même temps, la lumière derrière le nuage, le déroulement tactile.

D.B.

2008-03-15