Flint Glass & Telepherique – Information gygabyte

Angle Records
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La musique de Telepherique est telle un organisme et ses nombreux tissus s’arrangent en enchevêtrement comme les vaisseaux dans le lacis des tendons, les muscles autour de l’os. Chaque disque du groupe allemand est un panorama (comme celle de Contagious Orgasm) dont les tableaux industriels et naturalistes offrent les plus fréquents décors. Parfois, cette riche peinture ambiante s’orne de rythmes, dans le bouillonnement (v=s/t) ou l’hypnose (Paradigma en compagnie de Vromb). La collaboration prévue de longue date avec Flint Glass est, comme la plupart des travaux de Telepherique, construite autour d’un thème directeur que doivent illustrer les morceaux. Ici, c’est de la manière la plus figurative celui de la surcharge d’information. Prenons comme évidence que l’ajout d’un disque à ce monde de données ne rendra pas l’entrelacs moins touffu et que la réflexion peut se développer sans l’œuvre qui n’y contribue qu’en soulignant le problème. Mais d’un point de vue artistique, le jeu de correspondances est plaisant à pratiquer. Flint Glass est le projet de Gwen Trémorin qui dirige également le label Brume Records, un compositeur de musique électronique dans la lignée de Black Lung, pour qui le rythme, la texture et les effets doivent s’équilibrer dans une esthétique de machine. C’est donc d’un environnement naturel qu’il s’agit pour lui lorsque la musique doit mimer le véhicule ou le tableau d’un foisonnement d’informations. Foisonnement, telle est l’impression que laissent les premiers morceaux, fourmillement nano-urbain de blips, crépitements, souffles, effets électroniques vintage qui, livrés dans leur égarement pour mieux figurer la confusion, ne parviennent malheureusement que peu à s’organiser en période musicale. Il faut attendre le quatrième titre, User protection, pour que l’exercice prenne sensiblement forme dans une combinaison rythmique et texturale qui tire parti de la matière plutôt que d’accompagner son effondrement. Ici se développent des pulsations sourdes, comme la cadence de quelque machine oubliée, et un agrégat de fréquences aux échos mélodiques autour d’une voix allemande. Les bips deviennent décoratifs, dans un ballet postindustriel qui réalise bien des souhaits émis par L. Russolo dans L’art des bruits ! Symphonie, accord éphémère des millions de bytes se télescopant à une vitesse vertigineuse, c’est dès ces moments que les deux formations atteignent leur but, comme si les premières minutes de l’album n’avaient servi qu’à accumuler les tensions, mesurer les forces, prendre le gabarit des particules. La suite, grésillante, pulsatile ou bourdonnante, dessine alors les vagues et l’écume d’un océan de données, qui menace de noyade. D.B.

D.B.