Eyeless In Gaza – Summer salt & subway sun

Ambivalent Scale
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Il n’est pas vraiment aisé de classer la musique d’Eyeless In Gaza, et cette particularité, qui réjouit les deux musiciens Martyn Bates et Peter Becker, est l’effet de leur profonde inventivité plutôt que la poursuite d’une singularité fonctionnant à vide. Pas de surenchère étonnante dans la musique d’Eyeless in Gaza, jamais, mais plutôt l’étonnante luxuriance d’un jardin embrumé. En réécoutant plusieurs des premiers albums, en particulier Pale hands I loved so well, on comprend que si l’esthétique de leur période de conception (le début des années 80) se laisse entendre, elle ne constitue pas l’essentiel de leur couleur. Ainsi en va-t-il des plus magnifiques disques de froideur minimaliste (Eno, The Cure…). L’univers d’EIG se construit de mille formes toujours accordées. Les instruments, nombreux, de l’électrique à l’acoustique, électroniques parfois, les sons concrets et abstraits, forment la matière d’un monde mélancolique jusque dans ses ballades les plus éclairées. La voix de Martyn Bates, éternellement fraîche, complète ce tableau de printemps pluvieux. Si de nombreux éléments folk se reconnaissent parmi ceux composant la musique du duo anglais, ils n’en constituent pas la réduction, comme Becker et Bates ont voulu le montrer avec cet album très attendu (le précédent, Song of the beautiful wanton, publié par Soleilmoon, date de 2001). Aller à contre-courant de la vague folk qu’ils ont précédée, c’est en fait un projet qui n’a pas dû leur sembler bien pénible tant leur musique est riche de vagues, d’images acoustiques, de vibrations, de drones, d’humidités enrichissant le paysage. Summer salt and subway sun montre les facettes du prisme Eyeless In Gaza, des mélodies qui éclosent d’orgues, de cordes de guitare arrondies et arrosées de réverbération, de flûtes, de fredonnements enrobant le chant splendide de Martyn Bates, chargé d’une expression universelle de l’intimité. Ces mélodies, précieuses comme une brise, ont la même force d’évocation, des plus enjouées aux plus sombres, le morceau 3-D pictures rappelant les collaborations de Martyn Bates avec Mick Harris / Lull et avec Troum plus récemment. Atmosphérique, tellurique, cosmique, solaire, la musique d’Eyeless In Gaza est tout cela à la fois, ici plus encore, dans la lumière de ce que l’on ressent comme un moment éminemment crucial. D.B.

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