Deupree Taylor – Landing

Room 40
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Exceptionnellement, plutôt que de se pencher sur ses mécanismes intimes, il sera plus profitable d’envisager ce disque dans la perspective d’une lente mais sûre mutation des musiques du culte de la résonance. Taylor Deupree lui-même, dirigeant le label 12k, n’est-il pas à considérer comme un chef de file ? Il arrive que l’expédition, surtout si elle se décide vers le lieu le plus aveugle, où plus rien n’est à perdre, dont le retour n’est même pas imaginé, se transforme en son propre but. Quelques années ont suffi pour faire migrer des musiciens aux cultures différentes (industrielle, post rock, electronica) vers un même objectif que le traitement informatique du drone cristallin aide à fédérer. Fuselage pour une aventure cosmique, ondulation sous-marine jouant avec les reflets perçants la surface, les sons de cristal pur ou érodé, lowercase magnifié, se déclinent dans un répertoire bien serré (le projet de robert Hampson ?). La corde de guitare a montré depuis longtemps son grand potentiel comme source, sa générosité dans l’offre des gestes que le musicien adopte lorsqu’il la fait couler. En route vers la plus abstraite des lumières, la moins expressionniste des plaintes, certains qui l’ont atteinte, se sont alors dirigés à rebours, comme revigorés par la fontaine d’harmoniques. Impressionnée de lumière fracassée, d’accidents numériques en forme d’écorchure sur le minerai, de morsure d’ombre sur le feuillage, de rocher au fond du torrent, leur musique s’est inventée une nouvelle mélodie, en apprentissage, sur le point de la réalisation. Plus près de sa matrice, elle ne dédaigne pas la coquetterie d’un accord de guitare, d’une mélodie d’orgue (La claire fontaine de Dumb Type en fut l’un des plus précieux balbutiements), la timide apparition d’une flûte, le fantôme d’un arpège, comme autant de formes apparemment aléatoires dessinées en surface par les tourbillons de l’eau claire. A rebours donc de son propre chemin de fuite, fort de son expérience, Taylor Deupree comme tant d’autres qui se dirigent depuis les Etats-Unis, l’Allemagne, La France ou le Japon, irrigue un autre monde vert, dont Brian Eno fut le premier cartographe. D.B.

D.B.